Boni YAYI : L’espoir déçu

jeudi 31 mars 2016
par  yabo
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C’est ce mardi 5 avril à minuit que prend fin le mandat de Thomas Boni Yayi, et ce mercredi à minuit que commence celui de son successeur Patrice Talon. La cérémonie d’investiture est prévue ce 6 avril. Cette cérémonie va-t-elle se dérouler dans la courtoise républicaine ? Quel est l’état d’esprit de celui qui sera bientôt un citoyen ordinaire ? Les deux hommes ont des rapports compliqués puisque Boni Yayi avait notamment accusé Patrice Talon, son ancien allié, d’avoir tenté de l’empoisonner.

Loin de prendre de la hauteur, Thomas Boni Yayi s’est beaucoup impliqué dans la campagne électorale. Il a animé de nombreux meetings, surtout dans ses fiefs du Nord, allant jusqu’à tenir des propos insultant envers Patrice Talon. La défaite de Lionel Zinsou est en partie la sienne. Puis il y a eu cette longue période de silence du président sortant, silence qui a pesé sur le climat politique. « Il aura tout raté, même sa sortie, confie un observateur de la vie politique. Cette cérémonie sonne pour lui comme un désaveu ».

« On sait bien que ce n’est pas la lune de miel entre les deux hommes, mais les circonstances obligent les deux hommes à reconsidérer le passé. Le reste n’est que spéculation », explique un proche de Thomas Boni Yayi. « D’ailleurs, ajoute ce proche, après la publication des résultats définitifs par la Cour constitutionnelle, Thomas Boni Yayi a téléphoné à Patrice Talon pour le féliciter ». A tous ceux qui pensent que le président sortant ne voulait pas que le Premier ministre reconnaisse sa défaite dans la nuit qui a suivi le second tour, Lionel Zinsou affirme l’avoir fait après s’être entretenu avec le président Boni Yayi. « Il a trouvé que c’était de nature à grandir le processus de démocratie dans notre pays. »

Jusqu’à la fin, Thomas Boni Yayi a cherché à négocier son immunité judiciaire d’un côté mais aussi son futur poste. Il se verrait bien aux Nations unies comme secrétaire général adjoint chargé du changement climatique ou envoyé spécial, selon une bonne source. Pour le moment, rien n’est acquis. Au-delà du soutien de la France, des Etats-Unis et des Etats de la sous-région, cela passe aussi in fine par l’approbation de Patrice Talon.

Bilan de 2 mandats

« Les 30 000 francs CFA aux femmes, c’est ce que je retiens », s’exclame John, économiste. Le microcrédit aux plus pauvres a effectivement été une mesure phare lancée en 2006-2007 : plus de 60 milliards de FCFA ont été injectés, plus de 900 000 personnes en ont bénéficié, surtout des femmes avec peu de ressources.

Roukayath, commerçante dans un marché de Cotonou, les a reçus : « C’était bien d’avoir cet argent, mais avec 30 000 FCFA, on ne peut finalement pas faire grand-chose. » Un expert-comptable, qui souhaite rester anonyme, regrette : « C’est un bon principe, mais il a été utilisé comme un instrument politique au lieu de servir au développement. Donc les objectifs de réduction de la pauvreté n’ont pas été atteints. »

De fait, de nombreux Béninois ont l’impression que les inégalités sociales se sont accrues. Une impression confirmée par Soulé Bio Goura, chercheur au laboratoire d’analyse régionale et d’expertise sociale : « Le taux de pauvreté a stagné à 34% en dix ans. C’est vrai qu’on a eu une croissance autour de 5% mais elle a été en partie absorbée par le fort accroissement de la population, plus de 3,5% par an. »

Des avancées sociales

Beaucoup reconnaissent qu’il y a eu des avancées sociales sous Boni Yayi : gratuité de la césarienne, de l’école primaire publique pour tous, de l’enseignement secondaire seulement pour les filles, et le RAMU, régime d’assurance maladie universel.

« Ma fille est en sixième, j’ai payé seulement 3 000 FCFA à la rentrée, et c’était pour le balai et le chiffon », raconte Marius, 36 ans, qui a travaillé dans les ressources humaines avant de faire taxi-moto à Cotonou. Même appréciation de Nicolas, 32 ans : « Ma fille est née par césarienne, j’ai seulement payé 21 000 FCFA pour les trois jours à l’hôpital. Le kit était gratuit. »

Tanguy, couturier, ne partage pas cet enthousiasme. « Il n’y a pas eu de mesures d’accompagnement. Aujourd’hui, tout le monde envoie ses enfants à l’école mais il n’y a pas assez de classes et pas assez d’enseignants. Quel est le niveau de nos élèves ? », s’interroge-t-il.

« Trop de saupoudrages, trop de chantiers, ça a été le frein de ces mesures sociales, analyse Soulé Bio Goura. Le président a voulu trop en faire au lieu de poser des bases solides. » Pour Soura, 50 ans, commerçante, Boni Yayi est un bâtisseur qui a modernisé le pays : « Grâce à lui, il y a pleins d’infrastructures, de bonnes routes. Regardez comment Cotonou a évolué avec les échangeurs ! »

Le problème de la corruption

Au premier plan des reproches, la corruption. « Elle a augmenté, affirme Soura. Avant, seul l’enfant était corrompu, maintenant c’est aussi le père et la mère ! Et pourtant Boni Yayi a marché contre la corruption au début de son premier mandat ! »

« L’administration est pourrie, déplore Tanguy. Si tu veux ta carte d’identité, si tu ne donnes pas d’argent, ça n’avance pas. Mais l’exemple n’est jamais venu dans haut. Il y a eu pleins de scandales mais pas de sanctions. »

Les Béninois citent l’affaire ICC-Services (du nom de cette structure de placements qui a ruiné des milliers d’épargnants en 2010), la Censad, les machines agricoles, la centrale électrique de Maria Gleta, et plus récemment le détournement de l’aide des Pays-Bas destiné à l’eau potable et à l’assainissement. « Aussi, il y a eu trop de tensions sociales et de grèves, dans les écoles, les hôpitaux, se plaint Marius. Le président voulait gérer sans écouter, et après il demandait pardon. »

Deux préoccupations : l’énergie et l’emploi

Si les infrastructures routières se sont considérablement améliorées, l’énergie est un problème car le Bénin reste dépendant, notamment du voisin nigérian. Serge, hôtelier, le vit au quotidien : « Ce mois-ci, les coupures d’électricité ont repris à Cotonou, on peut être sans courant pendant plusieurs heures. Sans courant, pas d’eau. Comment faire avec les clients ? J’ai dû acheter un groupe électrogène, mais c’est des frais. Le pays ne peut pas se développer dans ces conditions. »

L’emploi des jeunes est une préoccupation. Si le taux de chômage est faible, il cache la réalité du sous-emploi : on se débrouille pour vivre, notamment en travaillant dans l’informel, qui représente plus de 85% de l’économie. Moufid, 25 ans, diplômé en finance, vend des outils avec sa mère. « Mes parents ont fait des sacrifices pour que je fasse des études et me voilà, sans travail, dit-il. Le président a fait trop de promesses aux jeunes ! J’ai envoyé pleins de CV mais si tu ne connais personne de bien placé, tu n’as pas de boulot. »

La mise en œuvre des réformes et la politique politicienne ont-elles eu raison des intentions ? C’est ce que pense la commerçante Soura : « Le président a essayé. Mais je souffre plus que mes parents. » Pour Fayçal, architecte, « certaines initiatives ont laissé une partie de la population sur le carreau pour des raisons politiques, ethniques, ou régionalistes entre le nord et le sud. Les programmes n’étaient pas assez bien expliqués, du coup c’était vu comme du populisme. Je pense que la moitié a été réalisée et ça ne permet pas à une société d’émerger. »

L’espoir Boni YAYI

Boni YAYI
Président du Bénin

Depuis 2001, les difficultés économiques n’ont cessé de s’amplifier au Bénin, que ce soit dû aux difficultés économiques du Port autonome de Cotonou, au choc pétrolier, à la crise du secteur du coton, à la contrebande très étendue, aux personnels administratifs trop nombreux ou encore aux graves crises d’électricité créées par les sécheresses. Le Bénin est dans une période économique difficile que seule l’agriculture, très diversifiée parvient à maintenir compétitif face à ses voisins.

C’est ainsi que lors des élections de mars 2006, les Béninois ont décidé d’exprimer leur « ras-le bol » et que le novice en politique, l’ancien président de la Banque ouest africaine de développement (BOAD), le docteur Boni YAYI succède à la surprise générale à Mathieu KÉRÉKOU avec 75% des suffrages (notons un taux de participation fort de 76%).

Mathieu KÉRÉKOU qui a refusé de changer la Constitution n’a pas pu se représenter. Il n’en était pas moins opposé au Docteur Boni YAYI, trop novice à son goût.

En effet, à quelques jours des résultats l’ancien président, surnommé le caméléon, a plongé le pays dans le doute, en affirmant publiquement que lors du déroulement de l’élection : il y avait eu des dysfonctionnements dans l’organisation, avec des problèmes de listes électorales et de cartes d’électeur.

Malgré cela, la coordination des observateurs internationaux indépendants s’est félicitée au cours d’une conférence de presse à Cotonou, du déroulement du second tour de l’élection présidentielle au Bénin, jugeant qu’il avait été de « très bonne tenue ».


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